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Jean Poisson et Angélique Franche dite Laframboise

Découvrez la vie de Jean Poisson, un soldat français qui a participé à plusieurs batailles historiques au Canada, avant de s'installer avec une Canadienne près de Montréal et de devenir cultivateur.

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 Jean Poisson (1728-1805)

Le parcours d’un soldat de La Sarre à un colon canadien

Recherches et rédaction par Donald Clark White et Kim Kujawski


La civilisation progresse généralement comme les marées, avec un certain flux et reflux. Toutefois, à l’instar de l’évolution géologique, l’échelle tectonique et les événements catastrophiques jouent également un rôle. Vivre de tels sauts de civilisation est une chose, y contribuer en est une autre. Jean Poisson, un soldat français du milieu du XVIIIe siècle originaire de Lorraine, province disputée par la France et l’Allemagne, a joué un rôle important dans plusieurs grands bonds de notre société. Tout d’abord, il est envoyé en Nouvelle-France pour combattre les Iroquois alliés des Anglais, puis les Anglais eux-mêmes. Il s’agit là d’un affrontement entre grandes puissances. Poisson a participé à plusieurs des engagements les plus importants de New York et de Québec, qui ont abouti à la prise de Québec par les Anglais en 1759. En s’établissant près de Montréal et en fondant une famille sur une terre qu’il a défrichée et cultivée avec diligence, Poisson est devenu la quintessence de l’habitant canadien. De ses origines européennes à sa nouvelle vie en Amérique du Nord, du soldat français à l’adaptation à la domination anglaise, et de la nature sauvage à la vie sédentaire, il a contribué de façon indélébile à la formation du Canada en tant qu’émigrant, soldat, père et agriculteur.


De Repaix à la Nouvelle-France

Jean Poisson est né dans la paroisse de Saint-Paul à Repaix, dans l’ancienne province de Lorraine. Situé à l’extrême nord-est de la France, le village se trouve aujourd’hui dans le département de Meurthe-et-Moselle. Avec une population minuscule de moins de 100 habitants, appelés Respaliens, Repaix conserve son caractère de paisible communauté agricole.

Localisation de Repaix en France (Google Maps)

L’église Saint-Paul à Repaix (photo de Rauenstein en 2022, Wikimedia Commons)

Les parents de Jean étaient Christophe Poirson et Marie Octave. Son acte de baptême à Repaix n’a pas été retrouvé, les registres paroissiaux de 1692 à 1752 ayant été perdus. Jean est probablement né vers 1728. Son nom de famille a été orthographié Poisson et Poirson sur des documents canadiens. Son prénom a également été enregistré comme « Jean Baptiste ».

Le 31 mars 1751, à l’âge d’environ 23 ans, Jean s’engage comme soldat dans les Compagnies franches de la Marine. Il fait partie du régiment de La Sarre et rejoint la compagnie de Laferté de Mung au sein du deuxième bataillon.


Défendre la Nouvelle-France

Le régiment de La Sarre recrute principalement des soldats de la région de Lorraine. Le deuxième bataillon de Jean est envoyé en Nouvelle-France pendant la guerre de Sept Ans et, en raison de divers facteurs tels que les décès, les désertions et les démobilisations, seuls quelques-uns de ses membres originaux reviennent en France.

Drapeau d’ordonnance du régiment de La Sarre (Wikimedia Commons)

Au cours des années 1750, la tension monte au Canada et le deuxième bataillon de Jean reçoit l’ordre de Louis XV de renforcer les troupes de la Nouvelle-France. Le bataillon part de Brest le 3 avril 1756 à bord du navire Héros. Il arrive à Québec le 12 mai et les derniers navires du régiment débarquent le 31 mai.

Le deuxième bataillon est alors sous le commandement d’Étienne-Guillaume de Senezergues, qui sert sous les ordres du nouveau commandant général de la Nouvelle-France, le lieutenant-général Louis-Joseph, marquis de Montcalm. C’est le début d’un chapitre important du service militaire de Jean, étroitement lié aux événements qui se déroulent sur un continent en proie à un conflit.

Le régiment quitte Québec les 6 et 7 juin et emprunte de petits navires le long du fleuve Saint-Laurent pour atteindre le fort Frontenac, sur la rive nord du lac Ontario. Là, il rejoint les régiments d’infanterie du Béarn et de Guyenne. Le commandant Montcalm arrive au fort Frontenac le 29 juillet pour mener une attaque contre les forts Ontario et Oswego (également connu sous le nom de fort Chouaguen). À la tête d’une force combinée d’environ 2 000 soldats réguliers, 1 000 miliciens et 200 combattants autochtones, il se dirige vers Niaouré (aujourd’hui Sackets Harbor, au sud-ouest de Watertown, dans l’État de New York). Le 10 août, le contingent quitte son camp en direction du Fort Oswego, à 20 lieues de là. Après avoir pris le fort Ontario le 12 août, Montcalm s’empare des canons capturés, les ajoute à sa propre artillerie et se dirige vers l’intérieur du pays.

Les troupes françaises, armées de 51 canons, mortiers et obusiers, assiègent alors le fort Oswego, situé à l’embouchure de la rivière Oswego (au nord-ouest de Syracuse, New York). Le 14 août, le commandant britannique du fort Oswego est tué, obligeant son second à rendre les deux forts. La garnison, forte de 2 000 hommes, est faite prisonnière. Cette victoire marque un gain important pour les Français dans leurs efforts de contrôler des positions stratégiques clés dans les Grands Lacs et la vallée de la rivière Ohio pendant les premières étapes de la Guerre de la Conquête. Le 17 août, la moitié des prisonniers est envoyée à Montréal, escortée par un piquet ; le 18, l’autre moitié est envoyée par Méritens, lieutenant des grenadiers de Sarre, avec trente grenadiers et vingt soldats tirés de tous les régiments. Ils arrivent à Montréal le 24. Le reste du régiment de La Sarre arrive le 27 et établit son camp le lendemain à Laprairie. En novembre, le régiment de La Sarre reçoit l’ordre de prendre ses quartiers d’hiver près de Montréal.

« Capitulation du Fort Oswego, août 1756 », gravure de 1877 de John Henry Walker (Wikimedia Commons)


« Montcalm reçoit le 9 août 1757 le capitaine anglais M. Fesch (…) au nom du lieutenant-colonel Young et de George Monro pour négocier la reddition du Fort William Henry » (Wikimedia Commons)

Au cours de l’été 1757, Jean Poisson et son régiment se joignent à une importante force française qui avance vers le sud par la rivière Richelieu et le lac Champlain. Leur objectif est de capturer le Fort William Henry à l’extrémité sud du lac George. Les Français, qui comptent environ 8 000 soldats, encerclent le fort et bloquent ses voies d’approvisionnement. Pendant les cinq jours de siège, la garnison britannique à l’intérieur du fort, dirigée par le lieutenant-colonel George Monro, est confrontée à des circonstances désastreuses, notamment l’épuisement des réserves et l’augmentation des pertes. Après plusieurs jours de bombardements et de négociations, Monro se rend à Montcalm le 9 août. Les conditions de la reddition permettent à la garnison britannique de partir avec ses armes et ses honneurs.

Le 16 août, les forces françaises sont en route vers Carillon (nom français du fort Ticonderoga, situé sur le portage entre le lac George et le lac Ticonderoga). De petites unités françaises restent pour contrôler les anciennes fortifications anglaises, mais Jean retourne aux quartiers d’hiver de son bataillon à l’Île-Jésus (une île située juste au nord de l’île de Montréal) en octobre 1757.


Des racines en Nouvelle-France

Bien que Jean ait la possibilité de retourner en France à la fin de son service militaire, il semble qu’il ait déjà décidé, moins d’un an et demi après son arrivée, de demeurer en Nouvelle-France. Le 9 novembre 1757, il reçoit du Séminaire de Québec une concession de terre sur la côte sud de l’Île-Jésus (la ville actuelle de Laval englobe la totalité de l’île). Il est enregistré sous le nom de « Jean Poirson, soldat du régiment de Lasarre, compagnie de Meune ». La terre mesure trois arpents de front (face à la rivière des Prairies) par vingt arpents de profondeur. La terre de Jean se trouve sur la seigneurie de l’Île-Jésus, dont le Séminaire est le seigneur. L’acte notarié a été rédigé par le notaire Charles François Coron, dans lequel Jean déclare ne savoir signer.

Extrait de la concession de Jean en 1757 (FamilySearch)

Neuf jours après avoir reçu sa concession de terre, Jean renforce son intention de rester au Canada. Maintenant qu’il avait une propriété sur laquelle il pouvait construire une maison, il était prêt à se marier et à fonder une famille. Le 18 novembre 1757, Jean et Angélique Franche dite Laframboise se présentent à l’étude du notaire Gervais Hodiesne à Montréal pour faire rédiger un contrat de mariage. Jean est inscrit comme soldat résidant à Pointe-Claire. À 24 ans, Angélique est légalement mineure et son père est décédé. Ses frères Joseph et Vincent sont présents et consentent en son nom. Le contrat suit les accords standards de la Coutume de Paris. Le couple se marie à l’église paroissiale Saint-Joachim de Pointe-Claire trois jours plus tard. M. de Senezergues avait donné à Jean l’autorisation de se marier, étant donné qu’il était encore en service militaire actif, et M. Deman avait certifié que Jean n’était pas déjà marié en France.


 

Le contrat de mariage et la Coutume de Paris

Au XVIIIe siècle, les contrats de mariage étaient signés devant un notaire dans plus de 60 % des mariages. Si un contrat était signé, il l’était normalement plusieurs jours ou semaines avant le mariage. La moyenne était de trois semaines, ce qui correspondait au temps nécessaire pour publier trois bans de mariage lors de trois dimanches consécutifs. La signature se faisait normalement en présence de nombreux membres de la famille et d’amis, et souvent de membres haut placés de la société. Pour ne pas froisser les gens, le notaire devait s’assurer que l’ordre des signatures (ou des marques s’ils ne pouvaient pas signer) correspondait à l’ordre de leur rang. Sur le plan juridique, le mariage créait une nouvelle unité familiale dont les règles étaient dictées par la Coutume de Paris. Ainsi, dans la plupart des cas, le couple se mariait sous le régime de la communauté des biens. Dès le mariage, tous les biens mobiliers et immobiliers des époux, achetés ou acquis, entraient dans la communauté et étaient administrés exclusivement par le mari.


Extrait du contrat de mariage de Jean et Angélique en 1757 (FamilySearch)

Angélique, âgée de 24 ans, était la fille d’André Franche (ou Fraye) et de Marie Louise Bigras. Elle était la plus jeune de leurs neuf enfants. Sur les documents, elle est parfois appelée Marie Angélique. L’ironie du sort veut qu’André Franche soit né Joseph Fry, un quaker anglais du nord de Boston. En 1695, il a été enlevé par des Autochtones alliés aux Français de sa maison et de sa famille à Kittery, dans le Maine. Il est resté sept ans en captivité avec les Autochtones jusqu’à ce qu’il soit vendu ou racheté par les Français à Montréal en 1702. Par la suite, il se convertit au catholicisme et est naturalisé en 1710, adoptant le nom d’André Fraye (parfois orthographié Franche). En 1713, il épouse Marie Louise Bigras, petite-fille d’une Fille du roi et d’un voyageur. Cette union réunit la fille d’un quaker anglais et d’un soldat d’infanterie français qui combattait les Anglais.

Comme c’était la coutume en Nouvelle-France, des noms dits sont utilisés. Joseph Fry devint André Franche dit Laframboise et sa fille Angélique Fraye utilisa également dite Laframboise. Selon certaines sources, Jean Poisson a été surnommé « dit Vadeboncoeur », mais il ne semble pas avoir utilisé ce nom après la fin de sa carrière militaire.


Batailles militaires : Carillon, les Plaines d’Abraham et Sainte-Foy

Malgré le fait qu’il vient de se marier et qu’il sera bientôt père, Jean est toujours un soldat en service militaire actif. En juin 1758, les forces de Montcalm de Montréal sont mobilisées à l’extrémité sud du lac Champlain. Les mouvements tactiques entre le lac Champlain et le lac George aboutissent à la bataille de Carillon, le 8 juillet, au cours de laquelle les forces françaises parviennent à reprendre le Fort Ticonderoga, tenu par les Anglais. Montcalm avait mené une armée française de près de 4 000 hommes à la victoire contre une force anglaise de 16 000 hommes. Après la bataille, les troupes consacrent plusieurs mois à la fortification du Fort Ticonderoga. Le 6 novembre, elles se mettent en route vers leurs quartiers d’hiver, laissant à Carillon des détachements de différents régiments, dont 30 hommes du régiment de La Sarre. 

« La victoire des troupes de Montcalm à Carillon » de Henry Alexander Ogden (Wikimedia Commons)

Nous ne savons pas avec certitude si Jean Poisson a participé à la bataille de Carillon. Cette incertitude provient du fait que le bataillon est parti pour les quartiers d’hiver le 6 novembre, alors que Jean était présent au baptême de son fils le 3 novembre à Pointe-Claire. Lors de ce baptême, il est inscrit comme soldat du régiment du Béarn, contrairement à son affiliation antérieure à La Sarre depuis son enrôlement jusqu’à son mariage en 1757. Il est intéressant de noter que le régiment du Béarn a participé activement aux mêmes campagnes que La Sarre et a pris part à la bataille de Carillon. Par conséquent, trois scénarios sont possibles : Jean peut avoir obtenu un congé, peut-être après la phase de bataille de la campagne ; il peut avoir déserté, un choix risqué et improbable ; ou il peut avoir été absent au moment du baptême, bien que cela soit peu probable, car un père nommé sur un acte de baptême est généralement présent, et toute absence est notée par le prêtre comme « le père absent » sur l’acte.

En 1759, les préparatifs de la bataille franco-anglaise de Québec occupent le devant de la scène. Pressentant l’arrivée imminente de la flotte d’invasion anglaise, les Français déplacent stratégiquement un nombre important de troupes de Montréal à Québec en mai, dont les régiments du Béarn et de La Sarre. Les Anglais commencent leur bombardement de Québec le 12 juin, déclenchant un barrage de 60 pièces d’artillerie. Jean joue probablement un rôle dans la bataille de Montmorency du 31 juillet, qui se solde par une victoire française et incite les Anglais à se retirer.

« Vue de la chute de Montmorenci et de l’attaque faite par le général Wolfe, sur les retranchements français près de Beauport, avec les grenadiers de l’armée, 31 juillet 1759 », gravure de William Elliott, d’après un dessin du capitaine Hervey Smith, aide de camp de Wolfe (Wikimedia Commons)

Lors de la fatidique Bataille des plaines d’Abraham, le 13 septembre 1759, le régiment de La Sarre joue un rôle de premier plan au sein des forces françaises sous le commandement du général Montcalm. Stationné sur le flanc droit de l’armée de Montcalm, le régiment, avec d’autres, s’est opposé aux redoutables troupes anglaises dirigées par le général Wolfe. Ce jour-là, Jean aurait été aux côtés de ses compagnons, faisant 5 pieds 1 pouce, portant son lourd fusil à chargement par la bouche à platine à silex. La bataille a fait de nombreuses victimes dans les deux camps et s’est finalement soldée par une défaite française. Tragiquement, le commandant de Jean, le lieutenant-colonel de Sonnezergues, et de nombreux membres de son régiment figurent parmi les victimes. Une cinquantaine d’hommes du régiment de La Sarre furent tués ou blessés. La bataille marque un tournant décisif dans le conflit pour le contrôle du Québec pendant la Guerre de la Conquête. L’armée française se replie sur Jacques Cartier, à une douzaine de lieues à l’ouest de Québec. Le 18 septembre, les Français rendent officiellement Québec. Le régiment de La Sarre se réfugie pour son quatrième hiver à l’Île-Jésus.

Carte illustrant la disposition des troupes lors du siège de Québec en 1759 (Boston Public Library)

« Vue de la prise de Québec, 13 septembre 1759 », gravure de 1797 d’après un dessin de Hervey Smyth, aide de camp du général Wolfe (Bibliothèque du ministère canadien de la Défense nationale)

Après la Bataille des Plaines d’Abraham en 1759 et la prise de Québec par les Britanniques, le Régiment de La Sarre, comme beaucoup d’autres unités françaises, fait face à une période difficile. La défaite a entraîné une retraite stratégique des forces françaises, qui se sont réfugiées dans leurs quartiers d’hiver à Montréal et dans les environs. Pendant ce temps, le régiment de La Sarre, dont les effectifs ont été sérieusement réduits par la bataille et les difficultés de la guerre, se regroupe et tente de se rétablir.

Dans les mois qui suivent, le régiment est confronté à des conditions de siège difficiles et dispose de peu de provisions. En mars 1760, le deuxième bataillon du régiment de La Sarre ne compte plus que 430 hommes, dont une grande partie est jugée inapte au service, et 51 soldats sont détachés pour servir à Saint-Jean, un fort français situé au sud-est de Montréal.

Sous la direction du général Chevalier de Lévis, les 345 soldats restants du régiment de La Sarre fusionnent avec 261 miliciens. Ils embarquent en bateau du 21 au 25 avril, puis marchent le long de la rive nord du Saint-Laurent jusqu’à Sainte-Foy, d’où les forces de Wolfe ont remonté l’escarpement de Québec pour remporter la victoire au mois de septembre précédent. Le 28 avril, la Bataille de Sainte-Foy a lieu, où les forces françaises, y compris le régiment de La Sarre, s’opposent puissamment aux Anglais. Bien que les Français sortent victorieux de la Bataille de Sainte-Foy, ils ne parviennent pas à exploiter ce succès. Les Britanniques reçoivent des renforts et des approvisionnements, ce qui scelle le sort des forces françaises au Canada. Bien que le régiment de La Sarre et la plupart des autres troupes françaises se soient retirés en toute sécurité à Montréal, ils n’ont pas pu empêcher l’inévitable. Le 9 septembre 1760, la Nouvelle-France capitule devant les Britanniques, marquant la fin de la domination française au Canada.

« La Bataille de Sainte-Foy » aquarelle de George B. Campion (Wikimedia Commons)

Nous ne savons pas si Jean était à Saint-Jean ou à la bataille de Sainte-Foy, mais il n’était certainement pas avec les reliques de son bataillon, les 243 hommes rapatriés en France à bord de navires britanniques. Ces navires sont arrivés avec les survivants de La Sarre à La Rochelle le 3 décembre et les rangs réduits de 130 hommes ont marché jusqu’à Poitiers, où ils sont arrivés le 11 décembre.

Plusieurs troupes françaises restent au Canada ou se reconvertissent dans la vie civile, comme c’est le cas de Jean Poisson qui choisit de rester au Canada et d’y fonder une famille.


Vie de famille

Son service militaire terminé, Jean et Angélique s’installent d’abord à Pointe-Claire. Le couple a eu sept enfants, dont deux ont été baptisés à Sault-au-Récollet et les autres à Pointe-Claire. Malheureusement, une seule fille a atteint l’âge adulte.

Enfants de Jean Poisson et d’Angélique Franche dite Laframboise :

L’église paroissiale de Sault-au-Récollet en 1749, dessin de Jean-Baptiste Lagacé (Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

  1. Jean Baptiste est né le 3 novembre 1758 et a été baptisé le même jour à Pointe-Claire. Son parrain est Jean Marie Deforges et sa marraine est Marie Louise Bigras, sa grand-mère. Jean Baptiste meurt à l’âge de 6 ans le 28 mai 1765. Il est inhumé le lendemain dans le cimetière paroissial de Saint-Joachim à Pointe-Claire. 

  2. François Amable est né le 15 mars 1762 et a été baptisé le lendemain à Sault-au-Récollet. Son parrain est François Amable Leblanc et sa marraine est Ursule Laplante. François Amable a moins d’un an lorsqu’il décède le 25 janvier 1763. Il est inhumé le lendemain dans le cimetière paroissial de La-Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie à Sault-au-Récollet. 

  3. Marie Marguerite est née le 16 octobre 1763 et a été baptisée le même jour à Sault-au-Récollet. Son parrain est Amable Robidou et sa marraine est Marie Guilbaut. Marie Marguerite était âgée d’environ 15 mois lorsqu’elle est décédée le 11 janvier 1765. Elle est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière paroissial de Saint-Joachim à Pointe-Claire. 

  4. Angélique est née le 23 juin 1765 et a été baptisée le même jour à Pointe-Claire. Son parrain est Joachim Ladouceur et sa marraine est Marie Josèphe Mallet. Angélique est la seule enfant de Jean et Angélique à vivre jusqu’à l’âge adulte et à fonder sa propre famille.

  5. Marie Charlotte est née le 1er février 1767 et a été baptisée le lendemain à Pointe-Claire. Son parrain est Joachim Laframboise et sa marraine est Marie Charlotte Ladouceur. Marie Charlotte meurt à l’âge de 3 ans le 27 octobre 1770. Elle est inhumée le lendemain dans le cimetière paroissial de Saint-Joachim à Pointe-Claire. 

  6. Michel est né le 13 novembre 1768 et a été baptisé le lendemain à Pointe-Claire. Son parrain est Michel [Létan ?] et sa marraine est Catherine Lebeau. Michel était âgé d’environ 8 mois lorsqu’il est décédé le 11 août 1769. Il est enterré le lendemain dans le cimetière paroissial de Saint-Joachim à Pointe-Claire. 

  7. François est né le matin du 18 juin 1770 et a été baptisé le même jour à Pointe-Claire. Son parrain est François Pépin et sa marraine est Marie Josèphe Chénier. François était âgé d’environ 2 mois lorsqu’il est décédé le 22 août 1770. Il est inhumé le lendemain dans le cimetière paroissial de Saint-Joachim à Pointe-Claire. 

Baptême d’Angélique Poisson en 1765 (Généalogie Québec)

Comme il était habituel à l’époque, les causes de décès ne sont pas précisées dans les registres de sépulture. La période pendant laquelle Jean et Angélique ont eu des enfants a été dangereuse pour la santé publique. En 1763, la variole dévaste le Québec. En 1765, une épidémie non identifiée frappe également la colonie.


Propriété

Au début des années 1760, Jean et Angélique sont impliqués dans plusieurs transactions foncières. Le 18 mai 1761, le couple vend une terre dans la paroisse de Saint-Vincent-de-Paul sur l’Île-Jésus au laboureur Jean Étienne Wadens pour 325 livres. Le document indique que Jean et Angélique sont résidents de la côte Saint-Rémy dite des Sources (sur l’île de Montréal). La terre vendue mesure trois arpents de front par 40 arpents de profondeur et comprend une maison faite de poteaux de cèdre. La terre fait face à la rivière des Prairies à Sault-au-Récollet et est voisine à la côte Saint-Ferréol.

Le 11 septembre 1761, deux actes sont rédigés par le notaire Gervais Hodiesne à Montréal. Dans le premier, Jean et Angélique achètent la moitié d’une terre à Sault-au-Récollet à Marie Josèphe Franche dite Laframboise (sœur d’Angélique) et à son mari François Poitevin dit Lafleur. Ce document indique que Jean et Angélique étaient résidents de la côte Saint-Remy (sur l’île de Montréal). La terre vendue mesurait deux perches et deux pieds de front (face à la rivière des Prairies) par trente arpents de profondeur. La vente comprend également les bâtiments construits sur la terre. Dans le second acte, François et Marie Josèphe font don d’une somme de 1 000 livres à Jean et Angélique, moyennant une rente viagère consistant en 12 minots de blé et 15 cordes de bois par an.

Deux autres ententes ont été rédigées par des notaires en 1762, portant sur des droits de succession immobilière. Le 2 avril, Jean et Angélique, habitants du Sault-au-Récollet, vendent à Vincent Franche dit Laframboise, frère d’Angélique, leurs droits de succession sur une terre située sur la côte Saint-Rémy, pour 300 livres. La vente porte sur la moitié d’une terre de quatre arpents de front, provenant de la succession du père d’Angélique. Pour la première fois, nous voyons la signature de Jean, un peu rudimentaire, sur un document.

La signature de Jean en 1762

Le 23 mai 1762, le cordonnier Laurent Poitevin dit Lafleur vend ses droits de succession sur une terre située à Sault-au-Récollet à Jean Poisson, demeurant à Sault-au-Récollet, pour 100 livres. La vente porte sur le quart d’une terre d’un arpent et demi de front, attenante à la terre existante de Jean.

En 1764, Jean et Angélique font don d’une portion de terre à Sault-au-Récollet à Louis Boisme et à son épouse Françoise Joly. La terre donnée mesurait 18 perches et 4 ½ pieds de front (face à la Rivière-des-Prairies) par environ 40 arpents de profondeur. Elle comprend une maison de poteaux en terre de 18 pieds sur 15 pieds, recouverte de paille, avec une cheminée de terre et des planchers de bois. Le document précise que cette terre comprend les lots que le couple a acquis le 11 septembre 1761 et le 23 mai 1762. Il semble que Jean et Angélique aient fait don de cette terre parce qu’ils étaient endettés auprès de leurs propriétaires, leurs devant un total de 963 livres pour l’ensemble de la terre de trois arpents à Sault-au-Récollet. En échange de la donation de la terre, Boisme et Joly s’engagent à payer aux seigneurs de l’île de Montréal la somme de 601 livres, 7 sols et 6 deniers.


 

La monnaie en Nouvelle-France

En Nouvelle-France, la principale unité monétaire est la livre. La livre est divisée en 20 sols (appelés sous après 1715). Chaque sol est divisé en 12 deniers. Les livres étaient référencés par le symbole ₶.

Pièce de Louis XIV pour le Canada, 5 sols, 1670 (photo de Jennifer McNair, Museums Victoria)


Le 18 juillet 1765, Marie Louise Bigras, veuve d’André Franche dit Laframboise et mère d’Angélique, vend à son gendre Jean Poisson, habitant de la côte Saint-Rémy, une terre située sur la côte Saint-Rémy. La terre mesure deux arpents de front par 28 arpents de profondeur et est frontalière avec le chemin du Roi, la côte Saint-François, la terre de Jean Sabourin et celle de Charles Deslauriers. La vente comprend une petite maison et une « demi-grange » qui semble être située entre la terre vendue et celle de Deslauriers.

 

Vente d’une terre de Marie Louise Bigras à Jean Poisson en 1765 (FamilySearch)

 

En 1779, Jean, Angélique et leur fille Angélique, âgée de 14 ans, vivent à Pointe-Claire, sur l’île de Montréal. Le 27 juillet, un contrat de mariage est dressé à Montréal entre Angélique et Ignace Poiriau (ou Perriault) dit Bellefeuille, un résidant de Lachine âgé de 22 ans. Jean est présent au nom de sa fille mineure et pour consentir au mariage. Le marié donne à son épouse la somme de 300 vieux chelins en guise de douaire. Le préciput est fixé à 150 anciens chelins. [Le préciput, sous le régime de la communauté de biens entre époux, était un avantage conféré par le contrat de mariage à l’un des époux, généralement au survivant, et consistant dans le droit de prélever, lors de la dissolution de la communauté, sur la masse commune et avant tout partage de celle-ci, certains biens déterminés ou une somme d’argent.]    


 

Âge légal pour se marier

Pour se marier à l’époque de la Nouvelle-France, un marié devait avoir au moins 14 ans, tandis qu’une mariée devait en avoir au moins 12. À l’époque du Bas-Canada et du Canada-Est, les mêmes exigences étaient en place. L’Église catholique a révisé son code de droit canonique en 1917, changeant l’âge minimum du mariage à 16 ans pour les hommes et 14 ans pour les femmes. En 1980, le Code civil du Québec a relevé l’âge minimum à 18 ans pour les deux sexes. De plus, les mineurs avaient besoin du consentement parental pour se marier. En Nouvelle-France, l’âge de la majorité était de 25 ans. Sous le régime britannique, il est passé à 21 ans. Depuis 1972, l’âge de la majorité au Canada est fixé à 18 ans.


Le même jour, Jean et Angélique font don de deux terres aux futurs mariés. L’une est située sur la côte Saint-Rémy, dans la paroisse de Pointe-Claire. Elle mesure trois arpents de front par 29 arpents de profondeur et fait face au Chemin du Roi. Le terrain comprend une maison en bois, une grange et une écurie. L’autre parcelle est située dans la paroisse de Saint-Eustache, au bord de la rivière du Chêne. Jean et Angélique font également don de deux bœufs, deux taureaux, trois vaches, deux chevaux, cinq moutons, quatre cochons, une douzaine de poules, un coq, ainsi que des outils et du matériel agricole. En échange, le couple nouvellement marié sera responsable du loyer de la terre (cens et rentes) et de toute dette impayée. Ils accordent également à Jean et Angélique une pension à vie, versée annuellement jusqu’à leur décès, comprenant :

 
  • 30 minots de blé

  • 150 livres de lard (à livrer à chaque Noël)

  • 150 livres de viande de bœuf (à livrer à chaque Noël)

  • 8 carafes d’eau-de-vie (à livrer à chaque Noël)

  • 20 cordes de bon bois (la moitié à livrer à Noël et l’autre moitié en mars)

  • 12 livres de savon

  • 12 livres de bougies

La pension serait réduite de moitié si Jean ou Angélique décédait. Certaines parties du document de 12 pages sont difficiles à lire en raison de l’encre qui saigne, mais ces accords normalement prévoient que les parents soient logés, nourris et pris en charge jusqu’à leur mort, et que leur inhumation soit payée. 

Angélique et Ignace s’installent à Pointe-Claire, puis à Oka, et enfin à Saint-André-d’Argenteuil, de l’autre côté de la rivière à Rigaud (où ils étaient paroissiens). Ils ont eu 14 enfants, dont six se sont mariés et ont fondé leur propre famille. Conformément à leur contrat de donation, les parents d’Angélique ont probablement déménagé avec eux (ou du moins à proximité).

En 1803, Jean et Angélique, habitants de la baie d’Argenteuil, échangent des terres avec Joachim Poiriau et Marie Anne Beaupré, son épouse (Joachim était le frère d’Ignace). Les terres sont situées dans la « baie de Carillon, seigneurie d’Argenteuil ».


La fin d'une époque

Sépulture de Jean Poisson en 1805 (Généalogie Québec)

Jean Poisson est décédé à l’âge d’environ 77 ans le 17 octobre 1805. Il est inhumé deux jours plus tard dans la paroisse Sainte-Madeleine de Rigaud. Il est décrit comme « ancien fermier de la seigneurie d’Argenteuil ». Son gendre Ignace et son neveu Jacques Franche ont assisté à l’enterrement. C’est ainsi que disparaît le soldat lorrain qui, cinquante ans plus tôt, faisait bonne figure dans son uniforme de La Sarre. Imaginez son justaucorps blanc à revers bleus et trois boutons, sa veste rouge, ses bas et sa culotte gris pâle, ses chaussures noires à boucles métalliques, ses guêtres blanches et son chapeau tricorne en feutre noir. Avec une taille de 5 pieds et un pouce (1,80 m), il était presque aussi grand que son fusil était long.

Sépulture d’Angélique Franche dite Laframboise en 1809 (Généalogie Québec)

Angélique Franche dite Laframboise est décédée à l’âge de 75 ans le 23 février 1809. Elle est inhumée deux jours plus tard, toujours dans la paroisse Sainte-Madeleine de Rigaud. Elle est déclarée « veuve de Jean Baptiste Poisson, habitant la seigneurie d’Argenteuil ». Les mêmes témoins sont présents à son enterrement : son gendre Ignace et son neveu Jacques Franche « et plusieurs autres parents ».

Saint-André-d’Argenteuil en 1850 (Bibliothèque et Archives nationales du Québec) [Saint-André était appelé St. Andrews par ses habitants anglophones]

 

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Bibliographie :